Intervention de Denis Baudequin, secrétaire général de l'UNSEN-CGT
lors de la séance d'ouverture de la consultation ministérielle
sur l'enseignement professionnel (19 septembre 2000)

Pour la CGT, l'ouverture de cette concertation fait suite aux demandes exprimées par les personnels au travers des luttes qu'ils ont menées au début de l'année 2000.
Nous en prenons acte tout en regrettant que l'on n'ait pas su en tenir compte plus tôt.

Nous souhaitons que le processus que vous engagez ainsi dépasse le seul affichage et débouche sur de véritables négociations.
Lors des réunions des différents groupes, nous préciserons nos réflexions et propositions. Nous nous en tiendrons aujourd'hui à rappeler quelques-unes de nos orientations.

La filière professionnelle connaît aujourd'hui un problème réel. Alors qu'elle constitue un outil performant de formation elle est marquée par un recul des recrutements élèves, même si cette tendance générale connaît des exceptions selon les spécialités et les régions.
Et comme, dans le même temps, des besoins de main d'œuvre qualifiée ne sont pas satisfaits, cela amène des tensions supplémentaires.

Si cette situation crée des devoirs à l'Education nationale et à l'enseignement professionnel, on ne peut pour autant dégager d'autres responsabilités, en premier lieu celles du patronat.

Au-delà du poids de l'image négative du travail manuel largement entretenue, du repoussoir que constituent les conditions de travail et de rémunération, il y a à s'interroger sur l'orientation - dont l'approche ne peut se limiter à une seule question de lisibilité - ainsi que sur la situation sociale des jeunes. La connaissance plus précise des flux d'élèves tant vers l'apprentissage que vers les filières générale et technologique est indispensable.

Ce sont des problèmes de fond et, comme tels, ils doivent être appréhendés dans leur ensemble, en traitant de manière conjointe différentes questions, qu'il s'agisse de la place et du rôle du collège, de ses liens avec le lycée, des articulations entre les filières générale, professionnelle et technologique, des spécificités et complémentarités de ces voies…
Une vision par trop étroite, isolant ces éléments les uns des autres, pourrait amener des réponses dangereuses quant à l'objectif de démocratisation du système éducatif.

Si l'enseignement professionnel, comme les collèges et lycées généraux et technologiques, a son rôle à jouer dans la lutte contre l'échec scolaire, il ne peut être conçu et apparaître comme l'unique recours pour les élèves en difficulté.

Nous sommes attachés à des contenus de formation qui contribuent à une insertion professionnelle réussie et permettent la poursuite d'études, poursuite sur les conditions de laquelle il faudra revenir.
En effet, celle-ci ne peut se limiter à l'existence de passerelles qui, constituées autour de groupes/classes, ne prennent pas en compte les acquis antérieurs des jeunes et empêchent de bâtir de véritables parcours diversifiés. D'autre part, elles ne fonctionnent, aujourd'hui, que dans un seul sens.

Il y aura également besoin de voir comment le BEP pourra être structuré, avec des compléments de formation postérieurs, allant de quelques mois à un an, pour donner à ses contenus une professionnalisation plus poussée. Ce dispositif permettant, à ceux qui ne souhaiteraient pas continuer leurs études vers un niveau IV, de s'insérer sur le marché du travail.

Vous avez réaffirmé que pas un seul élève ne devrait sortir du système éducatif sans le CAP. Si nous pouvons souscrire à cet objectif de donner à chaque jeune une qualification reconnue, nous nous interrogeons pour savoir si c'est ce diplôme et le parcours qui ont été définis par la Charte de l'Enseignement Professionnel Intégré, qui doivent constituer ce socle minimal.
Pour notre part, nous en doutons.
En tout cas, il doit être clair que la CGT ne cautionnera pas un diplôme qui, tant par ses contenus que par ses modalités d'acquisition, n'aurait qu'un caractère social parce qu'il n'attesterait d'aucune qualification véritable.

Vos propositions, Monsieur le ministre, risquent de ne pas être à la hauteur de la situation en n'apportant, à un problème politique de fond, que des réponses techniques ou administratives.
La façon dont l'enseignement professionnel est traité dans le projet visant à rénover la formation des enseignants dans les IUFM, ne peut que conforter cette impression.

Dans sa proposition de nouvelles grilles horaires BEP et Bac Pro, le but poursuivi par le ministère était de mettre les horaires en adéquation avec le premier projet de statut.
Ces grilles ont été désapprouvées par l'ensemble de la représentation syndicale et rejetées par les personnels. Malgré cela, vous avez pris la décision de les maintenir en prenant le risque de l'infaisabilité.

Elles sont donc, aujourd'hui, le reflet de contradictions, porteuses de remises en cause des contenus d'enseignement et sources de forts mécontentements.
Elles doivent être profondément revues !

Cette révision doit se faire à partir des contenus de formation nécessaires à l'acquisition de ces diplômes et des qualifications qu'ils représentent. Ces contenus sont définis par les Commissions Professionnelles Consultatives pour l'enseignement professionnel et par le Conseil National des Programmes pour l'enseignement général.
Nous sommes attachés à ce que cette démarche soit poursuivie.

En ce qui concerne votre proposition de créer un comité consultatif pour l'enseignement professionnel, nous attendrons pour nous prononcer d'avoir des précisions sur sa composition et sur le rôle que vous voulez lui faire jouer.

Eu égard à ces principes généraux, nous voulons formuler deux exigences :

- La première est que les nouvelles grilles permettent d'améliorer les conditions dans lesquelles se dispensent les différents enseignements, particulièrement pour les enseignements généraux, pris au sens large, dont les effectifs doivent être dédoublés.
- La seconde concerne le projet pluridisciplinaire à caractère professionnel. Nous étions inquiets, à la fois par son caractère axé sur le domaine professionnel et par le carcan qu'allait constituer une telle généralisation.
Parce qu'il entrerait en concurrence avec ce qui se réalisait déjà.
Parce qu'il amènerait de la rigidité là où il y avait de la souplesse et de l'initiative.
Parce qu'il irait vers une uniformité tirée vers le minimum.
Parce qu'il introduirait de la mobilité et de la flexibilité dans les emplois du temps.
Si nous sommes favorables au travail en équipe et à la pluridisciplinarité, ce ne peut être de cette façon.
Aujourd'hui, le seul objectif est, d'une manière ou d'une autre, de faire entrer les PPCP dans les emplois du temps. C'est ce qui s'est produit dans la plus grande confusion et en multipliant les situations disparates.
Ce sont les conditions de travail et d'études qui sont ainsi remises en cause.

La réflexion sur l'enseignement adapté doit prendre en compte à la fois les difficultés que ce secteur peut rencontrer et les évolutions nécessaires.
Dans ce cadre, nous sommes attachés à ce que l'enseignement adapté permette aux jeunes qui sont confiés aux SEGPA-EREA de suivre un parcours qualifiant et diplômant, en complémentarité avec le lycée professionnel.

Mais ce travail ne peut se mener sans l'implication active de ses personnels. Or, ils vivent très mal le maintien d'une situation horaire discriminatoire qui s'est trouvé renforcée à cette rentrée.
Nous estimons qu'il y a une mesure urgente à prendre dans ce domaine afin de leur reconnaître une situation à parité de celles de leurs collègues des lycées professionnels.

La résorption de la précarité

Faute de garanties sur les moyens et sur le nombre de titularisations qui seront effectivement prononcées, la CGT a refusé de ratifier le protocole sur la résorption de la précarité dans la Fonction publique.
Notre état d'esprit, en tant qu'organisation de l'Education nationale, est d'obtenir que ce dispositif englobe l'ensemble des précaires, assouplisse au maximum les modalités de leur titularisation, c'est-à-dire sans concours mais avec formation et que ce plan soit assorti d'engagements précis.
L'ampleur de ce problème doit amener très rapidement à ce que son traitement soit élargi à l'ensemble des deux ministères concernés.
Nous y tenons d'autant plus que nous estimons que la note de service sur la situation des agents non titulaires n'affirme pas la garantie de réemploi à laquelle vous vous étiez engagé et risque, par ses insuffisances, d'écarter de nombreuses personnes du réemploi d'abord, de la titularisation ensuite.

Ces questions ne pourront être examinées sans aborder la question des moyens. C'est le sens que nous donnions au plan pluriannuel de création d'emplois et de recrutement promis par le Premier Ministre le 16 mars au soir et qui, pour partie, doit s'appuyer sur une transformation des heures supplémentaires en postes.

Nous refusons de penser que ce plan, dont l'annonce est différée de mois en mois, puisse rester au seul stade de l'affichage.
Les personnels, nous-mêmes ne saurions l'accepter.
En toute logique, il devrait avoir une première traduction dans le budget 2001.

Pour terminer, nous voudrions pointer quelques-uns des points dont nous regrettons l'absence dans vos propositions :

Le premier touche aux questions de redéfinition des services qui doivent intégrer une réelle réduction du temps de travail et prendre en compte les notions de travail en équipe, d'interdisciplinarité, de suivi individualisé des élèves,…

Ces mesures doivent concerner toutes les catégories de personnels. Dans ce cadre, nous voulons plus particulièrement attirer votre attention sur les Chefs de Travaux, sur le rôle et le recrutement desquels il y a besoin de revenir. La manière dont, à cette rentrée, la dotation des 300 "postes" CT a été gérée est un exemple de ce qu'il ne faut surtout pas faire. L'émiettage dont ils ont été l'objet a conduit à une dégradation de la situation.

Le second se rapporte aux relations école/entreprise. Elles sont devenues une réalité bien ancrée dans nos établissements, mais la redéfinition qu'en a amenée la Charte de l'Enseignement Professionnel Intégré ne peut nous satisfaire, qu'il s'agisse de la mise à disposition des plates-formes technologiques, de l'élaboration de la carte des formations ou des périodes de formation en entreprise auxquelles il est urgent de donner un cadre garantissant leur qualité.

Nous sommes demandeurs d'une véritable évaluation du contrôle en cours de formation qui, avant d'en décider toute nouvelle extension, voire le maintien, doit faire l'objet d'un bilan exhaustif.

Enfin sur la méthode, si nous préférons que les réunions de travail se déroulent de manière multilatérale parce qu'elles garantissent, de cette façon, une plus grande transparence aux débats, nous n'avons aucunement l'intention de vouloir imposer cette conception.
Vous proposez, Monsieur le Ministre, de privilégier les rencontres avec les services… Dont acte. Ceci étant, certaines de ces questions ne peuvent être déléguées et envisagées sous le seul angle technique. Elles exigeront donc des retours en séance plénière.

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