« L’élève au centre du système répressif ? »

 

Le projet de loi d’orientation et de programmation sur la justice a été adopté durant les grandes vacances. Les mesures  sont les suivantes :

-     Le recours aux témoignages anonymes, initialement réservée aux affaires criminelles (terrorisme, trafic de drogue) a été étendu aux délits punis de trois ans d’emprisonnement. Cette mesure va favoriser la délation et engendrer de la méfiance.

-     Les juges de proximité au nombre de 3300 seront chargés de régler les litiges de la vie quotidienne, ainsi que les petites infractions pénales. Ces “ sous-juges ”, non professionnels, seront également chargés des problèmes de délinquance concernant les mineurs. Ils n’auront évidemment pas reçu la même formation que les juges pour enfants !

-     La création de centres éducatifs fermés (C.E.F) pour les 13-16 ans, où les jeunes seront au nombre de 6 à 10 encadrés par des éducateurs. S’ils fuguent, ils seront placés en détention provisoire. Ces C.E.F deviennent une antichambre des prisons !

-     Des sanctions éducatives seront appliquées pour les 10-13 ans. Certains lieux leur seront par exemple interdits.

-     Un amendement a également été adopté prévoyant la suspension des allocations familiales versées aux parents d’un mineur placé en C.E.F.

-     Une peine de travail d’intérêt général pour les auteurs de tags, qui s’ajoute aux 3750 euros d’amende déjà prévus.

-     Et enfin, l’adoption d’un amendement punissant de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende les outrages aux enseignants dans les établissements scolaires ! C’est l’extension aux enseignants d’une mesure concernant les fonctionnaires d’autorité, c’est-à-dire les policiers.

On peut imaginer un professeur entrant dans une classe : “ bonjour, je m’appelle monsieur ou madame X, je vais vous enseigner telle matière mais je vous préviens, au moindre écart, je vous expédie en prison ! ” Le rôle de l’école n’est-il pas de permettre aux élèves de s’insérer aux mieux dans la vie, en essayant de rétablir certaines inégalités et injustices sociales ! Le professeur aura la possibilité désormais de dire aux élèves insolents d’aller rejoindre la France du sous-sol ! Il n’y a pas besoin d’avoir une thèse en psychologie pour savoir que c’est à l’adolescence que les problèmes non résolus dans l’enfance font leur réapparition ! C’est sûr qu’il est plus simple d’expédier un élève en prison que de comprendre sa souffrance ! Et bien non, dans cette “ nouvelle France ”, les jeunes n’auront plus le droit de vivre cette phase, passage pourtant obligé pour faire le deuil de son enfance et devenir un adulte responsable ! Dans notre société en crise, ce sont les jeunes qui vont mal ou ce sont les adultes ? Avec ces mesures 100% répressives votées pendant les vacances sans grande réaction jusqu’à présent, il y a de quoi se poser des questions ! Nous assistons là à une CRIMINALISATION de la jeunesse et de la pauvreté  et à la mise en place d’une justice à deux vitesse !

Alors puisque nos chers ministres refusent d’analyser la situation actuelle, essayons de comprendre ce qui se trame derrière ces mesures sécuritaires :

Des “ sous-juges ” rendant une justice au rabais, des C.E.F menant directement à la case “ prison ”, des “ sanctions éducatives ” pour les 10-13 ans, une peine de prison à partir de 13 ans pour outrage à enseignants. Les questions sont les suivantes :

La société ou tout au moins ceux qui la dirigent a t-elle vraiment envie de donner une place à ces jeunes en difficulté ?

Ne serait-ce pas un moyen d’écarter directement et définitivement ces jeunes à problèmes ?

Et ces jeunes à problèmes qu’on pointe sans arrêt du doigt depuis avril 2002, qui sont-ils ?

Il faut savoir qu’il y a actuellement 16000 mineurs vivant dans la rue. De plus, la violence que les jeunes exercent contre eux-mêmes (suicides, conduites à risque) est statistiquement plus importante que la violence liée aux incivilités ou à la petite délinquance.

Actuellement, on compte déjà 100 policiers pour un éducateur. Le gouvernement veut réduire le nombre de professeurs, des aide-éducateurs et augmenter encore les effectifs de police ! Pourquoi pas un policier par citoyen !

Avec ces nouvelles mesures, notre profession et notre mission d’éducation est en danger. Nous avons besoin de moyens pour aider les jeunes, pour enseigner, baisser les effectifs dans les classes, mais certainement pas de telles mesures répressives ! Si nous voulons garder au sein de l’école, des valeurs de respect, de tolérance, de liberté, d’égalité des chances, nous devons réagir collectivement pour que les jeunes et les collègues en souffrance ne soient pas anéantis par de telles mesures ! Alors, soyons responsables, agissons !

 

Avoir recours ou non à la loi qui punit “ l’outrage à enseignant ” par de la prison et une amende est un débat à avoir parmi le personnel. C’est ce qu’a fait le lycée Sabatier. Après discussion, ils ont pris position contre ce dispositif.

Résolution du LP Sabatier !

 

Cette résolution a été adressée aux ministres de l’éducation nationale, de la justice et de la sécurité. Nous en publions des extraits :

 

Monsieur le Ministre,

 

Les personnels réunis ce jour en assemblée générale, tiennent à vous faire part de leur profonde inquiétude et colère quant aux mesures annoncées cet été et en ce début d’année scolaire.

6 mois d’emprisonnement et 7600 euros d’amende pour outrage et injures ou acte de violence à l’encontre d’un enseignant. Ces dispositions prévues, visant nos élèves sont sans précédent et nous font craindre les pires situations de dégradations en terme de rapports humains au sein de nos établissements qu’il nous a fallu des années à établir.

Pour la première fois, on assimile les enseignants aux policiers. Si notre métier doit s’exercer dans un cadre de respect et d’autorité, celle-ci ne trouve sa légitimité que dans le savoir que nous nous efforçons de transmettre au quotidien. […]

Présentées comme la garantie d’un retour au calme dans les établissements, ces dispositions risquent de constituer une véritable « bombe à retardement » dont la communauté scolaire sera la première à faire les frais.

C’est pourquoi nous ne pouvons, à l’instar de la quasi totalité des syndicats enseignants, que dénonce  ce que nous considérons comme une dérive sécuritaire qui tend à accroître la répression à l’encontre de jeunes souvent en grande difficulté […]

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