A quand la philo en Lycée professionnel
?
La création d’un enseignement de la philosophie en lycée professionnel a été
proposée par les élèves lors de la consultation nationale de 1998 (« Quels
savoirs enseigner ? »). Bien plus qu’une demande, c’est un principe
visant à traiter à égalité le lycéen professionnel et le lycéen de l’enseignement
général et technologique. C’est au nom de ce principe qu’un enseignement
de la philosophie a été introduit à titre expérimental dans les L.P, au
niveau Bac pro, dans les académies de Nantes, Montpellier, Nice et Reims.
Malgré ces tentatives prometteuses, un long chemin reste à faire pour que
cette discipline prestigieuse trouve pleinement sa place en L.P. L’absence
de la philosophie en L.P pose un certain nombre de questions. Pourquoi cantonner
ces élèves à un RMI culturel ? A ceux qui prétendent que les difficultés
d’expression ou les « handicaps socioculturels » sont spécifiques
aux élèves de L.P et constituent un obstacle à l’enseignement de la philosophie,
on rétorquera que les problèmes de maîtrise de la langue existent aussi
en classe de STT et de STI mais n’empêchent nullement ces élèves de suivre
des cours de philosophie. Par ailleurs, pourquoi un pédagogisme étroit réduit-il
la philosophie à la maîtrise de la dissertation et donc à la réalisation
d’objectifs essentiellement techniques alors que, comme dit Platon :
« la philosophie est le dialogue de l’âme avec elle-même », et
n’a pas d’autre finalité que de contribuer à former philosophiquement un
homme, c’est à dire aider à la construction de la personne dans toutes ses
dimensions. Ce droit à la pensée est un bien universel auquel peut prétendre
tout individu. Qu’attendre d’un enseignement philosophique
pour nos élèves ? D’après les expériences dans les académies précitées,
on constate une acquisition de repères politiques, éthiques, un développement
de l’esprit critique. Les élèves font également mieux la différence entre
culture médiatique et culture classique, entre la pensée et l’opinion. Ces
acquis ne sauraient être tenus pour quantité négligeable. Une revalorisation
des L.P, une égale dignité des filières passent par l’introduction de la
philosophie en L.P. Décision hautement symbolique, démocratique, qui ferait
de nos élèves « des hommes de métier capables de voir au-delà de leur
métier, des citoyens capables d’exercer le jugement éclairé et indépendant
que requiert notre société démocratique » comme l’indiquent les instructions
de 1925 concernant l’enseignement de la philosophie.