Une loi de modernisation sociale qui ne règle rien !

Depuis l’adoption en première lecture par l'Assemblée du projet de loi de modernisation sociale préparé par Aubry et la dernière version actuellement votée le 13 juin, la situation sociale a sensiblement changé. Les licenciements massifs et successifs, la mobilisation des salariés des entreprises concernées montrent avec force que ce texte ne correspond en rien à la situation.

Validation des acquis :

La loi de modernisation sociale prévoit également une validation des acquis de l'expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme ou d'un certificat de qualification. La loi prévoit que l'ensemble des compé-tences acquises lors d'une activité salariée, non salariée ou bénévole d'au moins 3 ans peut être validé. Un jury peut attribuer la totalité ou une partie d'un diplôme en se prononçant sur un dossier constitué par le candidat. Le jury pourrait demander une mise en situation professionnelle. Un répertoire national des certifications professionnelles doit être créé.

Ce projet de loi est un fourre-tout de mesures, de dispositions, qui vont de la réforme des études de médecine à la " protection " des salariés. Certes, certaines mesures comme la validation des acquis c'est-à-dire la reconnaissance des compétences liées à l'expérience professionnelle ou des mesures contre le harcèlement moral au travail sont attendues. D’autres, comme la revalorisation de 6 % à 10 % de la prime de précarité des salariés en contrat à durée déterminée sont un léger mieux. Par ailleurs le texte a pour objet de renforcer la maîtrise du recours au travail précaire en permettant aux Comités d’entreprise ou délégués du personnel de faire appel à l’inspecteur du travail pour constater le recours abusif aux contrats précaires. Nous sommes en fait bien loin d’une véritable action contre la précarité croissante au travail (50% des offres d’emploi actuelles sont à statut précaire). Il faut interdire le recours à toutes les formes de travail précaire dans le public comme dans le privé.

Cependant, c’est sur le terrain des licenciements que ce projet de loi montre toute son inutilité. S’abritant derrière la déclaration " ni laisser-faire, ni interdire ", le gouvernement a balayé la nécessité d’une loi qui interdise les licenciements, pourtant très populaire dans l’opinion. Il se contente simplement, dans le chapitre consacré à la "prévention des licenciements économiques" et au "reclassement des salariés", d’une vingtaine d’amendements qui prévoient :

La loi prévoit également que les entreprises de plus de 1000 salariés devront faire un effort de reclassement, notamment en finançant des opérations de formation. Et ce sans obligation de résultat. Cette mesure risque de n’être qu’un subventionnement d’organismes d’insertion, sous la coupe du PARE. Quant au doublement de l’indemnité de licenciement, cela reste insuffisant pour rendre dissuasives les suppressions d’emploi. A preuve, Danone est fier de payer 4 à 5 fois plus les indemnités pour licencier.

L’administration disposera certes d'un délai plus long pour examiner le contenu du plan social, rebaptisé "plan de sauvegarde de l'emploi", mais il n’y pas la volonté d’empêcher ces procédures.

Face à la mobilisation des salariés, au succès du 9 juin, l’assemblée nationale a adopté quelques amendements supplémentaires. Ces derniers ne changent pas, pour autant, le caractère de cette loi. Il s’agit :

Le pouvoir patronal reste entier. Cette redéfinition des licenciements économiques ne permet pas d’interdire tout licenciement, même quand ceux-ci n’ont que pour seul objectif de satisfaire le rendement boursier. Les licenciements boursiers, s’ils sont présentés comme destinés à "sauvegarder la compétitivité de l'entreprise" selon la formule de la jurisprudence, restent possibles, que l'entreprise fasse ou non des profits. En effet, combien de PDG ont déjà argumenté leurs suppressions d’emploi pour de soi-disant motifs de compétitivité nécessaire à la sauvegarde de l’entreprise.

Ce qu’il faut, c’est véritablement interdire les licenciements, donner aux CE, délégués du personnel un pouvoir de veto ou d'opposition à même d'arrêter la procédure de licenciement collectif. C'est une exigence élémentaire pour des millions de salariés, qui doit être reprise par l’ensemble du mouvement syndical.

 

La manifestation du 9 juin a été un succès. Cette réussite doit servir de point d’appui pour continuer la mobilisation contre les licenciements. Le SDEN-CGT 93 a participé à cette manifestation et regrette la seule présence symbolique de la confédération. Nous publions le communiqué des salariés de Danone que nous soutenons dans leur action.

Communiqué des salariés et de l’intersyndicale (CGT, FO, CFDT et CFTC) de Lu/Danone (Ris-Orangis) – 11 juin 2001

Les salariés et les syndicats CGT, FO, CFDT et CFTC de l’usine LU de Ris-Orangis se félicitent du succès de la manifestation nationale unitaire contre les licenciements et les suppressions d’emplois qui a réuni samedi plusieurs dizaines de milliers de travailleurs dans les rues de la capitale.

Ils constatent que ce succès est dû en premier lieu aux salariés et syndicats de plusieurs dizaines d’entreprises qui licencient et qui ont répondu à l’appel qu’ils leur avaient lancé avec leurs camarades d’AOM-Air Liberté et Marks & Spencer.

Ils constatent que ce succès est aussi dû à toutes les autres organisations syndicales qui ont pris part à la démarche unitaire et qui étaient présentes samedi : FSU, SUD, groupe des dix mais aussi syndicats d’entreprise, unions locales, unions départementales, fédérations de branches CGT, CFDT ou FO, ainsi qu’aux organisations de chômeurs, bien sûr, aux partis politiques de gauche et d’extrême gauche qui ont apporté leur appui, PCF, LO, LCR, Verts, Attac, et ont aidé à organiser la manifestation.

La démonstration a été faite samedi que tous, travailleurs des entreprises menacées, ensemble des salariés et chômeurs aspirent à l’unité dans la lutte contre le chômage, la précarité, les licenciements et pour un changement des conditions de vie et de travail. Nous avons constaté que les grandes confédérations syndicales CGT, FO, CFDT, ne se sont pas jointes à notre manifestation. Leur absence lors des prochaines étapes de la lutte ne pourrait être jugée par l’ensemble des salariés que comme un abandon. Les absences d’aujourd’hui suscitent de nombreuses interrogations chez les salariés et les syndiqués, et les abandons de demain pourraient se transformer en une perte de confiance et de crédibilité.

Enfin nous demandons aux partis et parlementaires qui ont soutenu notre manifestation de mettre leurs actes et leurs paroles en accord. C’est-à-dire de voter contre la loi dite de modernisation sociale présentée ce mercredi, laquelle, avec ou sans amendements, ne donnera en aucune façon aux salariés le pouvoir d’empêcher les licenciements. Nous n’oublions pas par ailleurs les 85 % des licenciés qui de toutes façons ne sont pas concernés par les différents attendus légaux actuels, et que seule une véritable mesure d’interdiction des licenciements pourrait protéger.

En accord avec la tonalité de la manifestation du 9 juin, nous demandons le retrait de tous les plans sociaux et l’interdiction des licenciements. Pour l’heure nous maintenons l’ensemble des contacts avec les salariés en lutte contre les plans de restructuration afin d’envisager ensemble les initiatives à venir. Une prochaine réunion de bilan aura lieu dans les jours qui viennent

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