Charte
de lenseignement professionnel intégré, forum mondial de léducation
à Vancouver, club de spéculation dans les lycées, discussions de lOMC
loffensive libérale sur lécole se poursuit.
Cest pourquoi nous inaugurons une rubrique sur la marchandisation de
léducation
Bibliothèques
et photocopies :
Non à la marchandisation de la culture et de la pédagogie !
Depuis quelques mois, collèges et lycées (étiquetés EPLE)
se voient proposer des contrats par le centre français dexploitation
du droit de copie (CFC). Ces contrats se présentent comme une " garantie
pour les chefs détablissements de ne pas risquer dêtre mis en
cause au titre de la contrefaçon " et cherchent à rendre " licites,
dans certaines limites, les photocopies " de livres, de presse,
à des fins pédagogiques.
En échange dune redevance (provisoirement fixée à 10 francs par élève)
les établissements scolaires auraient lautorisation de faire 180 photocopies
annuelles par élève.
Cette redevance doit être remboursée par le rectorat.
Les enseignants devraient dans le cadre de ce contrat, inscrire sur les documents
photocopiés, une mention de lautorisation (tampon). Des enquêtes seraient
menées dans les établissements afin de déterminer les publications reproduites
pour fixer la rétribution des auteurs et éditeurs.
Ces contrats posent problème
Sur la méthode dabord : leur argumentation relève
davantage dune pression exercée sur les proviseurs et les enseignants
menacés déventuelles poursuites en cas de non-accord.
Par ailleurs, les procédures prévues introduisent un certain contrôle par
un tiers extérieure (les représentants des éditeurs) et des proviseurs sur
les choix pédagogiques des enseignants en matière de documentation : la mention
pouvant vite se transformer en autorisation pure et simple. Cela rajoute un
contrôle administratif à un métier qui nen a déjà que trop.
Mais surtout, le principe de ces contrats participe dune certaine forme
de marchandisation de la culture et de la pédagogie. Cela nest, pas
sans rappeler un autre débat actuel : celui du prêt payant dans les bibliothèques.
Portée par les professionnels du livre et certains écrivains, une pétition
publiée dans la presse réclame aux recteurs une taxe de 5 francs par livre
emprunté.
Les parallèles entre le prêt payant et la " redevance CFC "
ne manquent pas. Il sagit, à chaque fois, de faire payer un accès à
la culture et à la formation. Ces deux projets auraient la même conséquence
directe : elles transformeraient davantage encore lecteurs et élèves
en simples consommateurs.
La même argumentation constitue le prétexte de ces deux mesures : il
sagirait de rétribuer auteurs et éditeurs. Cette argumentation mérite
dêtre discutée.
Sil nest pas question de nier le droit des auteurs à percevoir
une rétribution pour leurs travaux de recherche, décriture, très souvent
bafoué par les éditeurs eux-mêmes, en revanche, la question se pose en ce
qui concerne les éditeurs. Les deux dispositions bénéficieraient essentiellement
aux gros éditeurs, véritables marchands, dont les profits sont déjà conséquents,
sans que les auteurs ne voient leur travail davantage reconnu. En ce qui concerne
les bibliothèques, cela créerait des obstacles supplémentaires à la lecture
publique (qui souvent nest déjà pas réellement gratuite, de nombreuses
bibliothèques percevant des droits d'inscription).
Dans léducation, les éditeurs scolaires pour qui le marché des manuels
est juteux, verraient lapparition dune nouvelle manne financière.
Quelles réponses ?
Dans ces deux débats, bibliothèques et photocopies, une réponse
immédiate simpose : celle du refus du prêt payant et des contrats
CFC/EPLE (les établissements qui achètent nombre de manuels versent déjà de
lourds profits aux éditeurs).
Mais cela doit également amener des orientations très différentes, notamment
par la modification du statut des auteurs leur garantissant des revenus justes.
Pour le prêt payant, une réponse alternative (proposée par des associations
de bibliothécaires) pourrait être la création dun fond de répartition
financé par lEtat établi sur la base des achats de livres, redistribuant
les droits aux auteurs et éditeurs. Elle est réclamée par certaines associations
de bibliothécaires.
De même, ne laissons plus des éditeurs transformer des documents pédagogiques
en objets marchands. Largent versé par lEtat aux éditeurs pour
les contrats photocopies pourraient servir à donner davantage de moyens aux
CDI, à lachat de livres par les établissements (10F par élève cela ferait
7000 frs en moyenne par établissement).
Contre la redevance photocopie, il faut revendiquer le principe de la gratuité
des études. Cela peut passer par la création dun véritable service public
dédition scolaire garantissant laccès de tous à une documentation
pédagogique de qualité et la rétribution des auteurs.
Cela constituerait un investissement pour le service public et pour les élèves.
Un autre choix que celui doffrir des cadeaux financiers aux mêmes, ici
les éditeurs.
Aujourdhui, ministères de la culture et de léducation nationale
interviennent peu sur ces questions. Soit ils se taisent, soit ils accompagnent
ces mesures, comme dans léducation nationale. Deux attitudes qui ont
la même conséquence : linitiative est laissée aux éditeurs. Il
est également de notre responsabilité dintervenir pour changer ces orientations.